«Je le crois vraiment, il est vital d'aborder chaque jour avec le désir d'être heureux.»
Augustin Paluel-Marmont

Moun'ch (Marie-Thérèse Delannoy) (Atelier d'Ecriture Créative) (59 Lambersart)

LA PART DES ANGES
Le 18/12/2020
L'ange des montagnes

Il était une fois, dans la vallée d'Ossau un petit village appelé "Le marmottin". C'est là qu'habitaient Céleste et Célestine. Depuis plusieurs années Céleste est le maire de la commune. Pour cela il a la lourde tâche de protéger tous les marmottinois et les marmottinoises. Un vrai casse-tête, le printemps est de retour, la population augmentera bientôt avec la naissance de tous les marmottons. Aujourd'hui il doit annoncer le planning des tours de garde. Pour ce jour si important, Célestine lui a préparé sa plus belle chemise bleue à longues manches, au col cassé et aux poignets mousquetaires. Elle a insisté pour qu'il mette le nœud papillon :
-" Va pour les boutons de manchettes, mais le nœud papillon jamais ! lui a-t-il dit fermement".
La réunion terminée, Céleste s'en est retourné au terrier. Ce n'est pas de tout ça, ses deux petiots naîtront très bientôt. Il faut bien préparer leur chambre à coucher.
Le grand jour est arrivé, deux gros et beaux marmottons sont nés. Philomène et Nicodème, à peine arrivés, inquiètent déjà leur maman.
-"Je crois que nous aurons deux aventuriers dit elle.

  • Mais non, rétorque son époux, ne t'inquiète pas, ils m'obéiront, je suis quand même le maire du village".

Ces paroles ne la réconfortent pas, elle le connaît bien son homme toujours à vagabonder, à surveiller, à guetter, à fureter.
Les petits grandissent, de plus en plus espiègles, de plus en plus curieux. Ils vadrouillent dans la montagne, se nourrissent d'herbes, de fleurs, d'insectes parfois. Pour leurs parents, elles sont finies les longues siestes à deux au soleil.
La fin de l'été arrive, il faut préparer le terrier pour l'hiver. Mais comment faire avec ces deux garnements qui courent partout, qui sifflent à longueur de journée. C'est la pagaille dans tout le village. Les marmottes ne savent plus où donner de la tête. Danger, pas danger, nul ne sait.

  • "Vivement l'hiver pensent-elles."

Les premiers flocons arrivent. Vite il faut rentrer. Pour ce long hivernage, Célestine a sorti les longues chemises de nuit blanches pour les femmes, et les camisoles pour les garçons. Toute la petite famille est suffisamment engraissée pour supporter les grands froids. Le terrier est garni de fleurs séchées, il les hébergera tout l'hiver. Céleste a posé un rocher qui bouche son entrée. Voilà notre petite colonie familiale bien au chaud, prête à s'assoupir.
-" Dis-le  ! chuchote Philomène.

  • Non, rétorque Nicodème.
  • Tu as le devoir d'en informer nos parents avant l'hiver, c'est LUI qui l'a dit insiste-t-elle.
  • Que doit-on savoir ? Allons un peu de courage fiston, bougonne Céleste."

Bon gré, mal gré il se décide enfin.
"- Pendant nos nombreuses escapades interdites, nous avons fait une étrange rencontre. Il s'appelle Oskar le Sage. C'est un isard solitaire, respecté et écouté par l'ensemble de la harde. Il semblait nous connaître, il nous a raconté son histoire.

  • Chaque hiver, je vois passer au-dessus de la vallée un ange d'un blanc immaculé aux ailes étincelantes, une couronne sur la tête. Il vole au milieu des brillants glaciers, traçant de grands cercles dans les airs. A chaque battement d'ailes, des étoiles scintillantes inondent les massifs pyrénéens. Une nuit l'ange fatigué, par un long voyage, s'est posé sur le versant de la montagne. Affamé, malade, il ne pouvait plus s'envoler. Je suis sorti de la forêt, j'ai bravé le blizzard, la tempête de neige, pour porter secours à cette merveilleuse créature. Elle est restée près de moi le temps de reprendre des forces. Nous avons parlé, des journées et des nuits entières. Je suis devenu sont ami. Guéri, l'ange est reparti. Avant de s'élancer, il s'est confié une dernière fois.

-"J'ai enfin trouvé un complice dans la Vallée d'Ossau. Je le cherchais depuis si longtemps. Tu sais Oskar, mon destin est de sauver la beauté de dame nature. Pour cela, je dois trouver des ambassadeurs dans tous les coins du monde. Veux tu être de ceux-là ? Ta mission sera de veiller sur la montagne, les fleurs, les sapins, les animaux, les cours d'eau, les torrents, les pâturages, les villages de ta vallée. Je t'en prie aide-moi, supplie l'ange.

  • C'est une lourde tâche que tu me demandes là mais je ne serai pas seul, moi aussi je chercherai des compagnons qui, comme nous, souhaiteront sauvegarder nos beaux paysages.
  • Pour vous remercier, chaque année je passerai au-dessus de vos alpages je les illuminerai de mes mille feux."
  • Voilà toute l'histoire, s'empresse de dire Nicodème.
  • Tu n'as pas tout raconté persiste Philomène.
  • Allez courage, mon garçon marmonne Céleste d'une voix adoucie.

Nicodème reprend :

  • Oskar m'a certifié que, plus tard, je serai comme toi maire du village, qu'il te connaît bien, très bien même.
  • C'est vrai fiston, moi-aussi je l'ai rencontré. En ce temps-là j'étais comme vous, espiègle, pas très obéissant, un peu bagarreur. Un jour, au péril de ma vie, j'ai sauvé un marmotton des griffes de l'aigle royal. A cet instant, il m'est apparu majestueux, fier, il m'a annoncé :

- A partir de ce jour, tu sera le maire du village "Le marmottin" de la vallée d'Ossau. C'est ta destinée et ce sera celle de ton premier fils qui me dénichera. On ne contredit pas Oskar le sage."
Un silence respectueux inonde le terrier. Les deux parents se blottissent l'un contre l'autre, Nicodème jette un regard vers sa sœur qui détourne la tête.
La douceur, la simplicité de la petite marmotte ont conquis le cœur d'Oskar. Par un bel après-midi d'été, il est venu à sa rencontre, il s'est approché d'elle et lui a murmuré :

  • Décidément Céleste peut être fier de ses deux marmottons. Voilà ce que je te propose. Je vieillis. Tu es audacieuse, valeureuse. J'ai besoin de toi. Rejoins-moi au prochain printemps. Tu l'annonceras à tes parents le moment venu."

La neige a recouvert toute la vallée, les quatre marmottes s'endorment à poings fermés. Dès les beaux jours revenus, deux petits marmottons agrandiront la famille. Philomène choisira ce moment pour annoncer à ses parents sa nouvelle existence.

LE PANIER
Le 05/11/2020
Dans sa chambre, Patrick, saisit son sac de sport. Il y fourre short, baskets, chaussettes, serviettes, son maillot n°9 : son maillot fétiche. Ce soir, il va falloir le "mouiller" comme a dit si bien son entraîneur jeudi à l'entraînement. Il entend une voiture, c'est son "pote" Nicolas qui, comme à l'accoutumé, vient le chercher. Toujours à l'heure celui-ci. Arrivée en retard, c'est 5 euros dans la cagnotte et surtout pas question d'affronter la colère du coach, surtout avant un match.
Après l'échauffement, l'arbitre siffle le début du match. Les joueurs s'installent autour du rond central du terrain.
Au coup de sifflet Patrick prend sa place au milieu, saute, s'empare du ballon et le passe immédiatement à l'un de ses coéquipiers. Le voilà, enfin, du haut des ses 3.05m, rond, filet ouvert, fixé sur un panneau rectangulaire : le panier. Il est convoité, malmené par l'ensemble des basketteurs, ovationné par les fidèles supporters qui acclament les exploits de leur équipe. Son arceau, parfaitement circulaire, agace parfois Patrick qui voit le ballon tourner autour du cercle. Sans cesse attaqué, défendu il est un élément indispensable dans une salle de sport. Selon la distance du shoot sa valeur varie. Le panneau d'affichage annonce, 3, 2 ou 1 points.
L'arbitre siffle la fin du match, Patrick se douche, retrouve ses amis au "club house" et tous ensemble refont le match autour d'une bonne bière.

LES POMMES DE MON GRAND-PERE
"Non je n'ai rien oublié." - Le 26/11/2020

Le crépuscule se répand et l'effervescence de la journée s'interrompt. Il est temps de fermer les volets. Le feu crépite, je me laisse bercer par sa chaude musique. Je suis bien assise dans mon fauteuil au coin de ce feu.
Ce soir mon esprit mélancolique vagabonde. Soudain une fresque s'effiloche à travers le temps. Je suis dans le tourbillon de ma vie. Subitement, je me reconnais sous le soleil d'un jour ancien.
J'ai 8 ans, j'habite au numéro 10 rue la rue d'Arcole à Lille. Mon grand-père Maximilien habite au rez-de-chaussée de la maison, je loge au 1er étage avec mes parents et mes deux frères. Mon père et mon grand-père vendent au marché de Wazemmes des pommes qu'ils ont achetées dans l'Avesnois. Elles sont stockées et embaument mon jardin secret "le grenier aux pommes". Je m'y réfugie souvent avec mon chat mistigri, il m'arrive, parfois, de lui en vendre .
Tous les jeudis, c'est jour de marché. La rue d'Arcole s'agite. Les quelques boutiques maintiennent leur porte ouverte, l'atmosphère est propice aux papotages.
Je piétine d'impatience, je sollicite sans cesse mère :
"- Maman t'es prête

  • Non pas encore."

Quelques minutes plus tard
" Maman, on y va "

  • Non je n'ai pas fini ma vaisselle."

Nous partons enfin, j'insiste pour traverser le jardin de la place des 4 chemins. Malgré ses réticences , ma mère cède toujours. Nous y sommes, je me précipite tout d'abord vers "la cage aux poules" que j'escalade jusqu'au dernier étage, puis je m'installe sur le tourniquet : il tourne, il tourne j'en perds presque la tête.
"- Je n'ai qu'une seule fille, et c'est un vrai "garçon manqué" soupire ma mère"
Nous rejoignons "nos vendeurs de pommes" C'est la cohue devant l'étal. Les hommes trop occupés, nous aperçoivent à peine.
" - Bonjour ma petit dame, combien de dizaine de kilos de pommes aujourd'hui, plaisante mon père, la semaine passée on ne vous a pas vue ?

  • Bein, j'avos du ma à m'gambe , min homme y'étot du matin, du coup, y'a pas pu venir li aussi.

-Vous allez mieux maintenant ?

  • Cha va, cha va, donne-me 2 kgs de tes pommes.

Au marché, des amis, des voisins plus ou moins lointains se retrouvent. Les discussions s'animent, pas besoin de lire la Voix du Nord, les nouvelles se colportent allégrement. Malgré mon jeune âge, j'écoute les conversations des grands. Je ne comprends pas toujours tout, mais je découvre ma mère aux travers des confidences et des souvenirs qu'elle partage. Mon imagination est sollicitée par toutes ces discussions animées.
Sur le retour nous achetons le pain de chez Madame Catherine :
" Tu veux un "cacabar" me dit-elle d'un sourire complice.
Elle m'agace un peu avec son "cacabar" ça c'était quand j'étais petite, mais maintenant j'ai 8 ans quand même, je sais dire carambar. La gourmandise l'emporte sur la colère.
Il est 14 heures, les hommes, fatigués, rentrent du marché. Leur repas est prêt. Je m'installe sur les genoux de mon grand-père, il me sourit :

  • Ca va petite, tu as passé une bonne matinée".

" Marie-Thérèse tu dors ? Il est tard viens te coucher" me chuchote mon mari.
J'ouvre mes paupières à mi-closes. Je frissonne dans mon fauteuil, les braises se sont éteintes lentement. Il est temps d'aller dormir.
Demain matin, je préparerai le petit déjeuner de mes enfants, je leur demanderai :
" Vous voulez un fruit ?.
" Oui me répondra ma fille, merci maman, je veux bien une pomme."

Dictionnaire :
j'avos du ma à m'gambe : j'avais du mal à ma jambe
y'étot : il était
li aussi : lui aussi

LE LIVRE

Le livre, classé sur sa tranche bien au chaud dans les rayonnages, trouve toujours un amant de passage. Son titre, mis en évidence, éveille la curiosité. On découvre alors un objet qui contient à l'intérieur quelque chose de précieux. Des textes qui nous font rêver, des recettes qui titillent nos papilles, des boutades qui engendrent des éclats de rire, des récits du passé qui entretiennent la mémoire de notre histoire commune. Ces bibelots précieux sont une ressource inépuisable qui traversent le temps. Les pages peuvent être de dimensions différentes. On les tourne une par une. Elles se métamorphosent parfois en images. Les mots se succèdent, s'entremêlent, donnent du sens à l'histoire. Les chapitres défilent au grès du lecteur qui, parfois, revient en arrière. On peut le lire à voix basse, quelquefois à voix haute. On le range, on le délaisse quelques temps. Il réapparait soudainement, fidèle, seules quelques pages ont jauni. Il suscite de l'intérêt, de la passion, de la curiosité, du rejet mais jamais de l'indifférence. C'est un compagnon de toujours que l'on prête parfois avec plaisir sans avoir oublié d'inscrire, au stylo bille, son nom et prénom sur la deuxième de couverture.

Michèle 6/12/20 description originale du panier!
Je trouve le texte sur les pommes.. très bien.

Nathalie, le 27/11/20 Souvenir gourmand et émouvant !... Les images sont nombreuses dans les toutes premières phrases et alourdissent peut-être le récit ? Je cherche le verbe qui s'accoquinerait peut-être mieux avec l'effervescence ?... Un récit qui ensuite s'écoule de façon bien plus fluide, lorsqu'on arrive dans le réel !
Belle idée la traduction du ch'ti !!!

Nathalie, le 23/11/20 Oui, beaucoup de poésie dans ce très joli texte Marie-Thérèse !! J'ai particulièrement aimé ta phrase sur les pages : "Elles se métamorphosent parfois en images"

Je trouve qu'il y a de la poésie. MB
Avec " un livre ", tu évoques et éveilles tous nos sens, BRAVO ! Chantal

mis à jour le