«Je le crois vraiment, il est vital d'aborder chaque jour avec le désir d'être heureux.»
Augustin Paluel-Marmont

Michèle Berthier (Atelier d'écriture - Nouvelle Librairie) (05 Gap)

POISSE Ce qui devait arriver, arriva… en panne ! Ma voiture refuse d’avancer, je me retrouve perdu en rase campagne, du vert m’entoure, partout, champs, prés, arbres, c’est la couleur de la malchance qui me colle à la peau.
Aucune bonne fée ne s’est penchée sur mon berceau à ma naissance, le sort s’est toujours acharné contre moi, un vrai chat noir. Lors de mes premiers pas, le seul obstacle sur le sol, était pour moi, à l’école, celui désigné coupable de bavardage c’était encore moi. Le seul étron déposé sur le trottoir, pour mon pied droit, le seul moustique à l’affût de sang frais, me choisissait, et ainsi de suite. La malédiction m’a toujours poursuivi. Il est vrai que je me nomme Mallory Poissard. Mon prénom vient du vieux français et signifie « mauvaise augure », ma mère n’était pas d’accord pour me baptiser ainsi mais mon père y tenait absolument, nom de sa lignée.
Depuis plus de deux ans au chômage, végétant dans mon studio de banlieue, sans espoir, dans un élan d’énergie j’ai répondu à une annonce aperçue par hasard. C’est un boulot près de Rennes. Les contacts avec l’employeur se déroulèrent par visio-conférence suite au confinement. Ma candidature étant retenue, j’ai largué l’appartement, la grisaille, et en route. Mon nouveau patron paraît sympathique mais rigoureux. Nous étions plusieurs candidats, c’est moi qui ai été retenu. J’ai cru à un revirement du sort, une sortie d’anonymat et d’isolement banlieusard pour une vraie vie de provincial, un travail bien payé. Je dois devenir sexeur de poussins. J’aurai droit à une formation, puis, toute la journée, il me faudra palper des poussins et envoyer à la mort les mâles.
Mon rendez-vous avec mon futur boss tombe à l’eau, la sévère concurrence piétinant a déjà dû prendre le relai. Je suis bloqué sur une voie communale sans circulation, à plus de trente km de mon lieu de rencontre, je n’arriverai jamais à temps. Adieu poussins, veaux, vaches, cochons, finalement la campagne, ne me sied pas.
Je suis prostré au bord de la route, la tête dans les mains. J’essaie de faire le point, c’est difficile. Plus de logement, une voiture en panne, presque plus d’économie, évidemment un téléphone portable déchargé, quel avenir ? Je ne m’appelle pas Mallory Poissard pour rien.
Mes idées s’assombrissent avec le temps, d’ailleurs, je crois que je n’en ai plus, j’attends bêtement et sans espoir, jouet maltraité d’un funeste destin.
Un bruit de moteur me sort de ma torpeur.
Un véhicule s’arrête, des pas près de moi. Je découvre une paire de bottes boueuses, au dessus une combinaison de travail fatiguée, je lève un peu plus la tête, que vois-je ? Une fée se penche sur moi. Elle est magnifique, des cheveux bouclées parsemés de brindilles encadrent un charmant visage au doux sourire et aux yeux pétillants :
_Ça va monsieur ?
_heu, _Vous êtes malade ?
_heu, pas encore, heu, c’est ma voiture qui refuse d’avancer. Elle a calé et ne réagit plus.
_Voyons cela, dit-elle en se dirigeant d’un pas ferme vers l’engin. Pouvez-vous ouvrir le capot et tenter un démarrage, me déclara-t-elle d’un ton assuré.
Alors je me redresse laborieusement et m’exécute mollement.
_Essayez encore, je crois détecter le problème.
Je tourne à nouveau la clé, le moteur hoquette, tousse et se tait.
_C’est bon J’ai repéré la pièce défectueuse, ce n’est pas grave.
_Merci, prononçais-je mais comment savez-vous cela ?
_Mon père est le garagiste du coin, je le préviens et il s’en occupera. Où alliez-vous ? Je peux vous déposer quelque part ?
_Heu, c’est à dire, je ne sais plus trop où je vais, j’avais rendez-vous pour un emploi, mais je suis trop en retard maintenant, je pense que c’est fichu et pour tout vous avouer je ne sais plus où j’habite. J’ai l’impression de m’enfoncer sous terre, dans une galerie sans issue.
_Effectivement vous paraissez plutôt abattu, allez, je vous emmène dans mon village, vous vous reposerez et vous restaurerez en attendant votre véhicule. Peut-être apercevrez-vous le bout de votre tunnel.
Je flotte, je ne sais si j’existe encore, il y a à peine un quart d’heure j’étais en totale déprime et maintenant je suis assis aux côtés d’une charmante fille, Angélique, avec qui je plaisante gaiement. Nous allons tous les deux cahin-caha au rythme de son tracteur. C’est une chancéenne, elle habite le village de Chancé. C’est ma fée, je ne veux pas la quitter, je veux devenir chancéen.
Après un bon repas au cours duquel j’ai fait la connaissance de sa famille, dans un climat détendu et joyeux, son père part réparer ma voiture. J’ai été stupéfait de me découvrir serein, exposant sans détour mes malheurs. Angélique m’a garanti que tant que je resterai à Chancé je ne craindrais rien du sort, ce lieu étant protégé des mauvaises influences. Je le sens, je prends confiance en la vie, je me transforme, même physiquement, je me redresse.
La mère d’Angélique, m’informe qu’une exploitation spécialisée dans des procédés écologiques, luttant contre les pesticides, située dans les environs, recherche un collaborateur.
Après un contact chaleureux, il m’est proposé de veiller au bon fonctionnement de terrariums abritant des coccinelles et autres coléoptères. Je suis chargé de suivre et observer leur métamorphose, leur développement. Ce projet m’enchante, travailler avec les « bêtes à bon dieu », des vrais portes-bonheur !
Quelques mois plus tard, je ne me reconnais pas. Épanoui, expansif, déterminé, je suis passionné par ma relation avec les insectes, j’apprends beaucoup sur leur façon de vivre, leur monde, j’ai mis le pied dans un domaine en recherche qui me stimule les neurones. Je ne vis plus par habitude mais avec intérêt et plaisir. Installé dans une maisonnette au toit de chaume, je goutte les mystères insoupçonnés des forêts ensorcelées qui m’encerclent.
J’ai oublié ma poisse habituelle et découvert ma chance, devenu un vrai chancéen. Je rencontre très souvent Angélique qui m’a transmis certains de ses dons pour transformer le réel en féerique. Et, avec Angélique, ce qui devait arriver, arriva…

Le gâteau de ma grand-mère La part des anges est la partie du volume d'un alcool qui s'évapore pendant son vieillissement en fût. Notamment présente dans les chais d'armagnac ou de cognac, l'expression aurait pour origine l'alchimie qui désignait par anges les substances volatiles.
Mais ma mémoire me ramène plutôt au gâteau des anges réalisé par ma grand-mère, au solstice d’hiver. Le secret de sa recette s’est volatilisé avec elle, sans doute posé quelque part sur un beau nuage bien dodu.
Cette pâtisserie portait bien son nom, légère, vaporeuse. Un gâteau tout rond immaculé semblant en lévitation sur son plat, diffusant un subtile parfum de caramel.
Avec mes cousins, tous assis autour de la table, cette gourmandise au centre, le silence était total dans la pièce, nous salivions d’avance. Ma grand-mère se levait et procédait au cérémonial du partage. Elle taillait toujours la part de l’ange, de plus en plus petite sous nos protestations grandissantes mais bien présente. Elle disait que c’était son remerciement à l’ange qui lui avait révéler la recette. Puis elle découpait à chaque convive une belle part de ce divin gâteau, sous notre surveillance, comparant la taille du morceau dans l’assiette de chacun. Une fois tout le monde servi, nous saisissions notre petite cuillère et attaquions religieusement ce délice. Rien que le fait de porter une portion aux lèvres, une petite traînée de poudre blanche voletait dans la pièce. Les papilles échauffées par le sucre glace, la bouchée fondait doucement sur la langue en dévoilant tous ses arômes. On pouvait percevoir de l’amande, du miel, de la crème et un peu de cognac, mais mille autres saveurs se mêlaient. L’extase. Plus une miette ne traînait à la fin du goûter, restait le souvenir d’un moment exceptionnel..
Ma grand-mère montait la garde auprès de la part de l’ange qui trônait sur le buffet, sous un linge blanc.
Le lendemain matin, la part de l’ange avait disparu, l’assiette lavée posée au coin de l’évier.
Avec mes cousins nous échafaudâmes de nombreuses suppositions. En partant d’un simple mais mystérieux amant jusqu’au un lien privilégié entre ma grand-mère et un extra terrestre. Avec les années, l’âge le permettant, nous organisâmes des tours de garde autour de la maison. Mais nous ne perçûmes jamais le mystère de l’ange.
Le jour du solstice d’hiver, je pense particulièrement à ma grand-mère et bien sûr à son inoubliable gâteau.

Chemise Le mot chemise laisse entendre une idée d’enveloppement, une protection.
La chemise cartonnée protège et assemble des feuillets.
La chemise tant dans la mécanique que dans le bâtiment consiste en un revêtement de consolidation renforcement ou blindage du matériaux.
Enfin la chemise en tissu est un vêtement qui couvre le buste avec des manches, et un col.
Il y a bien sûr toutes sortes de chemises. De la simple chemise de coton blanc traditionnel à celles aux matériaux les plus extravagants et aux coupes les plus sophistiqués en passant par les chemises bio, faites de fibres végétales aux couleurs naturelles, le choix est considérable.
La chemise souvent portée à même la peau enveloppe le torse, le protège des agressions extérieures, comme le soleil, le froid, etc. Mais la chemise garde au corps son intimité, révélant quelques formes selon sa coupe plus ou moins serrée, laissant présager le secret de la nudité. Enfin la chemise emprisonne l’odeur corporelle éventuellement mêlée à un parfum de déodorant.
Rien qu’en observant une chemise, sa texture, sa couleur, sa coupe, sa taille, et en la respirant, on peut découvrir une partie de la personnalité d’un individu.

A perdre haleine Je cours..cours... pense à bien lever les genoux... mon cœur cogne. Une course de deux mille mètres est organisée par des profs du lycée pour les secondes. Moi, le sport c’est pas vraiment mon truc, la course non plus. D’ailleurs je me demande ce qui me branche vraiment cette année. Raz. Il y a Allan, ce beau mec avec son regard d’acier, ses muscles puissants, son sourire… ah, je bave… de fatigue, je le kiffe, mais le problème c’est que 90 % des filles du lycée aussi. Comment me remarquera-t-il dans la masse féminine ? Mon physique ordinaire ne m’avantage pas. En plus je suis d’une nature assez réservée. Cette course, c’est ma seule chance. Lui, il est spectateur, car en première, il est venu avec ses potes pour nous encourager. Il a promit la bise au vainqueur. Ne pas lâcher... Ça y est un tour de piste, il en reste trois. Je suis épuisée, la sueur dégouline… lever les genoux, ne pas perdre ma position.. J’en peux plus, mon cœur va exploser, mes poumons avec, il va y avoir un gros bruit et mes côtes seront projetées dans l’air avec des morceaux sanguinolents, ils vont se répandre sur la piste, les autres glisseront dessus ce sera le carnage.. Reprends-toi, Allan, ne semble pas me voir, il sourit mais à qui ? Je m’accroche… Bientôt le deuxième tour, je sens le point de côté vouloir me titiller.. non… respire...souffle...souffle… souffre pour qu’Allan te reçoive dans ses bras à l’arrivée, je m’évanouirai et il me ressusciterait d’un merveilleux baiser. J’en ferme les yeux et je crois que je vais vraiment défaillir, j’ai envie de vomir… la sueur me pique les yeux, je pleure… Dernier tour, je vais y arriver... allonge la foulée, je suis véritablement liquéfiée… Je ne sens plus mon cœur, peut-être ne bat-il plus, j’accélère, la dernière droite... je suis en apnée… J’ai gagné... je m’écroule, Allan ne me rattrape pas, il accueille Maguy dans ses bras... tout ça pour rien, pour rien ? Je sens quelqu’un qui m’aide à me relever, il me parle avec douceur, j’ouvre un œil, c’est Hère, il sourit. J’ai couru à perdre haleine, et je n’ai pas gagné Allan mais j’ai découvert Hère. On se ressemble tous deux, simples, discrets... cela fait plusieurs années que l’on se croise occasionnellement, mais je crois qu’une belle amitié est en train de se glisser entre nous.

PODIUM version 2 20/12/20
Le podium est une construction à trois marches utilisées pour la remise de trophées sportifs.
De simples caisses de bières en bois, empilées, serviront de podium a une modeste rencontre de quartier. Pour des compétitions sportives notables, le podium sera érigé avec soin. Une structure en bois ou métal, assemblée selon un élégant design, décorée de dorures et autres fioritures. Même en matériaux les plus recherchés et d’allure la plus sophistiquée, il ne restera jamais qu’une estrade à trois marches. Entre ces extrêmes, on peut trouver toutes sortes de podium, mais ce n’est qu’un objet transitoire pour désigner les vainqueurs d’une épreuve.
Les trois élites sportives de la compétition, le maillot trempé, le visage inondé de sueur, décorent le podium. Il en émane une forte et incommodante odeur de transpiration, révélant les efforts effectués par les athlètes pour avoir le droit de parader sur ce promontoire. Une personne liée au sport concerné, aimable et bien mise, leur remettra à chacun une médaille. Il peut même y avoir des accolades entre sportifs et responsables sous les applaudissements du public. Un beau sourire cachera la grimace de dégoût qui assaillira celui désigné pour renifler ce fumet sportif.
La montée sur le podium est passionnante a étudier. Il peut y avoir de l’élégance et de la distinction, d’autres prennent un temps certain pour monter les marches avec délectation, telles celles du festival de Cannes. D’autres encore, épuisés se hissent laborieusement, en chancelant sur ce plancher de champion. Certains, fiers de leur souplesse sautent avec sveltesse sur l’estrade, pareils à l’ange tombant du ciel. Enfin, des balourds piétinent pesamment le socle.
Être sur un podium peut, selon la discipline, être dangereux. Par exemple, si celle-ci concerne des sportifs costauds comme des boxeurs, catcheurs, rugbyman ou sumotori, lors de leur ascension virile pour recevoir leur récompense, des craquements sourds et inquiétants peuvent se faire entendre, le podium résistera-t-il à la masse musculaire ?

L’amour ne s’oublie pas version 2- 20/12/20.
Gustave et Pauline, sur la terrasse contemplent le paysage, à la fois toujours changeant et immuable. Des forêts profondes encadrent une étendue vallonnée, des clairières fleuries se partagent l’espace avec des champs cultivés.
Sur la table de jardin, deux tasses de café, et le sucrier. Cela fait six fois que Pauline met un sucre dans son café. Gustave l’observe avec un sourire indulgent mais une ride au front se creuse marquant son inquiétude.
Elle est toujours charmante, a réponse à tout mais il lui semble que depuis quelques temps, Pauline fonctionne bizarrement.
Il se rappellera toujours, le matin où, ouvrant la porte du réfrigérateur pour prendre le beurrier afin de tartiner son pain et il trouve la brosse à cheveux de Pauline ! Sur le coup, il a rigolé, une blague ! Originale, certes, il a pris une de ses pantoufles, a glissé la brosse dedans et remis le tout dans le frigidaire. Eh bien, ce qui l’a le plus frappé, ce fut l’absence de réaction de Pauline.
Depuis cet épisode, des objets perdus sont monnaie courante, retrouvés dans les endroits les plus insolites. Gustave a beau avoir de l’humour, être patient, cela le contrarie. Lorsqu’il évoque ce dysfonctionnement avec Pauline, celle-ci s’offusque et nie formellement en être à l’auteur. Elle a toujours été fantasque, c’est une artiste, elle peint, parfois de beaux tableaux mais souvent des mélanges de couleur dans lesquels elle voit plein de choses extraordinaires. Il acquiesce à ses discours sur ses œuvres, il admire, mais au fond de lui, il est dubitatif, trouve même cela moche. Enfin l’art ne justifie pas ce comportement saugrenu ?
Puis, il y a eu ce soir particulier. En rentrant du travail, les fenêtres du salon sont éclairées, des ombres se distinguent, cette pièce est habituellement inutilisée. Gustave est surpris, ce doit-être notre fils qui vient embrasser ses vieux parents, se dit-il.
Il se précipite, tout joyeux et découvre un couple inconnu, installé dans le canapé.
« Bonjour, salut-il en tendant une main hésitante,

  • bonjour, et merci pour votre chaleureuse invitation », réplique un homme plutôt rondouillard, Gustave serre cette main grassouillette tout en activant ses cellules grises, il a déjà vu ce visage, mais où et quand l’a-t-il croisé ? Un sourire niais sur le coin de la bouche, il se tourne vers la femme, charmante, mais mystérieuse. Gustave a chaud, de plus, une invitation est évoquée, de quoi s’agit-il ? Il s’excuse et se précipite à travers les pièces de la maison à la recherche de son épouse.

Il la trouve dans la chambre, en tenue élégante, donnant une dernière touche à son maquillage. Elle qui traînait souvent en tenue négligée, cette transformation laisse Gustave ébahi. Elle lui sourit en le découvrant. Il interroge : « Tu es magnifique mais pour qui et à quelle occasion ?

  • enfin, Gustave, répond-elle calmement, tu ne te souviens pas ?

Gustave, livide et transpirant se sentant atteint de façon foudroyante par la maladie d’Alzheimer, bégaya : - heu, non heu, pourquoi, c’est important ?

  • quel jour sommes-nous ? reprend vivement Pauline
  • heu, le heu... ha, le vingt trois mars ! annone-t-il soulagé, le jour de notre anniversaire de mariage. Lui revint le souvenir de ce jour radieux mais il ne s’y appesanti pas. Cela faisait des années que le cours de la vie et les aléas du quotidien avaient éclipsé cette fête.
  • quelle bonne idée ! s’exclame-il, tu as raison, notre mariage est un jour mémorable, il est important de le fêter. Mais dis-moi, qui sont les personnes au salon ?
  • j’étais chez le pâtissier, et le monsieur qui me précédait a réclamé une tropézienne, je ne sais pas ce qui m’a pris, peut-être le nom de ce gâteau... on a fait notre voyage de noce à Saint-Tropez, rappelle toi.
  • oui, approuve-t-il, mais je ne vois pas le rapport entre la tropézienne et les inconnus dans le salon.
  • et bien, je n’ai pas résisté, je l’ai invité à fêter notre anniversaire de mariage.
  • et il a accepté, comme ça ?
  • non, j’ai terriblement insisté, il me regardait avec de grands yeux ronds, les gens s’impatientaient derrière nous. Alors on est sorti de la boutique et on s’est posé sur un banc. On a discuté et découvert que l’ on est presque voisin. Cela fait trois mois qu’il a aménagé avec son épouse, dans la maison du bout de la rue, celle aux volets violets. Finalement, il a accepté l’invitation précisant qu’il apporterai la tropézienne.

Effectivement, avec ces indications, il se remémore ce couple de voisinage.

  • leur nom ? interroge-t-il encore sous la surprise.
  • je ne m’en souviens plus, mais aucune importance.
  • qu’as-tu prévu au menu ? s’enquit-il soudain envahi par une inquiétude. Depuis plus d’un an c’est lui qui gérait les courses et les repas s’il voulait être sûr de trouver dans son assiette quelque chose de mangeable.
  • ben c’est toi qui t’en occupes, que nous as-tu préparé ?

La crainte monte d’un cran ! Heureusement il a un certain entraînement pour gérer les situations délicates : - rejoignons nos invités.
Les verres apéritifs bien remplis, il s’excuse : - je vous laisse en compagnie de Pauline quelques instants.
Vite, à la cuisine, il y a le dessert, c’est déjà ça. Une super pizza passe du congélateur au four, une salade est promptement improvisée, et le couvert mit avec célérité. Au salon la conversation tourne autour de Saint-Tropez… heureusement, Claude est bavard.
Les invités se révèlent être fort sympathiques. Au final, ce repas est un bon moment de détente. Pauline n’a pas été aussi gaie depuis plusieurs mois. Elle semble être en confiance avec Marie-Louise.
Ils se quittèrent bons amis, se promettant une prochaine rencontre.
Gustave ne remerciera jamais assez Pauline pour cette initiative inattendue. Peut-être était-elle plus clairvoyante sur son avenir qu’elle ne l’exprimait ? Toujours est-il qu’une solide amitié se développa avec ce couple.
Au fil du temps, l’état de santé de Pauline de dégradait, Marie-Louise intervint comme aide-soignante, et aida à maintenir une vie aussi agréable que possible.
Le vingt six mars, mais six ans après le déjeuner instauré par Pauline, Gustave est sur la terrasse en sa compagnie, toujours entouré de ce paysage exceptionnel. Elle est enfermée maintenant dans un autre univers, quelques mots permettent un bref contact.
Avec bienveillance, Gustave lui exprime mon sentiment : «  Tu as ton monde, j’ai le mien, notre amour est le trait d’union.

  • oui, réplique Pauline, je ne sais plus qui tu es mais je sens que l’amour nous a toujours uni, je crois que je n’ai rien oublié ».

Le panier C’est un objet bien ancien. Son nom évoque la campagne, la forêt, l’odeur de terre, d’humus, la vision des ruisseaux bordés de saules, sillonnant des prairies vertes, ou bien, les marais sur lesquels poussaient les brins nécessaires à leur fabrication. Panier, ce mot avait tout son sens dans le monde rural. Le panier accompagnait l’humain tout au long de sa vie paysanne. Le couffin du bébé, puis toutes sortes de paniers, corbeilles et autres réceptacles en fibres végétales pour récolter des denrées, transporter des marchandises, des animaux ou des matériaux, nécessaires à la vie rurale. Les soirs d’hiver, à la veillée, les paniers étaient tressés habilement par les mains calleuses aux doigts épais mais experts. Ils remplaceront ceux trop usés, aux brins cassés ou manquants, devenu inutiles qui allumeront le feu du soir au premier froid.
L'osier est le matériau de premier ordre de la vannerie, il en existe de nombreuses variétés. Leurs coloris offrent une large gamme, l’écorce va du blanc crème, en passant par l’acajou jusqu’au noir. Les hautes tiges droites et flexibles des joncs sont également utilisés. Selon les besoins, des fétus de paille entrelacés donnent un panier tout doré. Un panier peut être confectionné avec toutes brindilles combinées. Avec cette fabrication artisanale, chaque panier a sa marque personnelle.
Mais l’industrie s’est emparée de la fabrication de paniers, obtenant des objets sans vie, anonymes, inertes, simples ustensiles utiles que l’on jettera à la décharge par la suite. Le panier comme objet n’est plus un compagnon indispensable à la vie de l’humain mais il reste de nombreuses expressions qui rappellent cet attachement ancien.
Tout en rondeur, le panier, a quelque chose de féminin. On aperçoit cette boule au loin et l’interrogation est là : qui a-t-il dedans ? Comme le ventre de la femme, son contenu est caché, mais peut être plein de promesse de vie. Des provisions nécessaires pour passer l’hiver, un enfant pour l’avenir de la famille ? Son contenu apportera la joie ou le malheur, selon s’il est riche en qualité ou gâté et maigrichon.

Le parapluie Un parapluie est un dispositif permettant de se protéger de la pluie et éventuellement du soleil. Il a évolué au fil du temps, son armature de bois est passée à l’aluminium, accessoirement, la fibre de verre pour le rendre résistant voir incassable. Le parapluie peut être pliant, mini, automatique, il est devenu un élément consommable. Bien que d’une utilité certaine, il peut devenir plutôt un complément décoratif, assorti aux chaussures, au sac, même au manteau. Sa toile de toute noire, est devenue fleurie, colorée parfois, presque une œuvre d’art.
l’aisance du maniement du parapluie dépend beaucoup de l’endroit où on l’utilise. En pleine campagne, si la marche dure trop longtemps, il peut se révéler objet de torture, en effet, une crampe peut survenir au niveau du bras qui le tient. S'il y a du vent, objet de supplice dans l’art de le maintenir au dessus de sa tête sans qu’il se retourne. Le meilleur, c’est le parapluie en ville, particulièrement sur les trottoirs bondés. Les personnes de très grande taille sont favorisées, mais celles plus petites, passent leur temps à éviter d’éborgner un autre marcheur. Il semble que le problème ait été repéré par certaines municipalités car maintenant on peut voir des parapluies accrochés au-dessus des passages particulièrement empruntés par les touristes et autres piétons. Cela a d’ailleurs un effet décoratif d’un goût discutable mais évite les risques d’accident oculaires.
Le parapluie peut devenir objet de jeu. On l’oubli chez un ami, ou dans un lieu public et on revient le chercher.. On en trouve un et on le garde s’interrogeant sur son ancien propriétaire ou bien justement on recherche à qui il appartenait... jeu de piste, jeu de rencontre fortuite ou durable.
Enfin, n’oublions pas l’intimité qui peut se développer à deux sous un parapluie, isolés du reste du monde par un rideau de pluie.
Enfin, le parapluie peut protéger de toute autre chose que de la pluie, certaines personnes l’ouvrent pour se garder d’éventuelles éclaboussures dues à leurs décisions ou actes.

La lutte sauvage pour tenter de redresser la barre et hisser la voile lorsque l’on est perdu en pleine tempête au milieu de l’océan, a quelque chose de similaire avec l’effort colossal nécessaire pour tenir fermement le mât du parapluie face au vent et tendre la toile sur les baleines. Celles-ci étaient,. autrefois, faites de fanons de baleines, d’où leur nom.
Le parapluie bien que petit objet insignifiant rappelle dans son origine, son attachement aux grands espaces marins, à l’eau et aux intempéries.

les vertes prairies Cahier de Léa
Je m’appelle Léa et j’ai eu 8 ans ce 25 mai 2026. Un méchant virus traîne toujours sur notre pays, alors, nous les enfants, on ne peut pas sortir de notre quartier. Mes parents ont le droit d’aller plus loin pour le travail mais le week-end et aux vacances on tourne en rond dans l’appartement comme des lions en cage, cage de béton d’une banlieue, pleine d’immeubles tristes et tous semblables. Mais, c’est super, les vacances arrivant, le gouvernement a enfin autorisé les déplacements sur tout le territoire. Alors, on va partir à la campagne. Suite aux recherches, via internet, ce sera aux « Vertes Prairies », c’est le nom de la maison. Elle est baptisée ainsi car située au milieu de vertes prairies. Je vais découvrir la campagne, je compte tout noter dans mon cahier. Il y a tellement longtemps que j’y suis allée, je n’en ai guère de souvenir. Maman m’en a beaucoup parlé, je n’ai pas saisi tout ce qu’elle exprimait mais au vu de son enthousiasme ce doit être un lieu formidable. J’ai retenu qu’il s’agissait d’immenses étendues vertes, un peu comme dans les territoires indiens, du temps où ils étaient sauvages et libres.
C’est le grand jour, mes parents sont tous guillerets dans la voiture. Après un temps interminable, on sort de l’autoroute, je guette les vertes prairies pleines de promesses. Ça y est un conflit de direction éclate, il faut dire que tout est bien vert. Après avoir pas mal tourné en rond la voiture stoppe devant une vieille bâtisse isolée au milieu des arbres. On s’installe.
Le soir tombant, l’humidité du lieu envahi la maison, on grelotte. Papa s’approche vaillamment de la cheminée, heureusement il y a une réserve de bois. A genou, il craque une allumette, tout fier, mais… vingt minutes après, la boite est presque vide et toujours pas de feu. Enfin, une heure plus tard toute la famille est regroupée autour d’une belle flambée.
Après un rapide repas, vite au lit. J’ai du mal à m’endormir, il y a des craquements, des grincements, maman dit que c’est la maison qui vit car elle constituée de matériaux qui viennent de la nature et non de béton glacé.
Ce matin, on a découvert quelque chose d’horrible. Au lever, le soleil brillait, les fenêtres furent vite grandes ouvertes afin de profiter du bon air. Une puanteur atroce a envahi la maison. On a bien vite tout refermé. Papa est sorti enquêter, hé bien, l’odeur vient d’un élevage agricole pas très loin de chez nous, une porcherie, plus précisément. Alors on laisse toujours les fenêtres fermées pour éviter cette infection dans la maison. C’est le vent qui l’amène. Lorsqu’il cesse, il pleut, alors de toutes façon les fenêtres restent closes.
Aujourd’hui lors de ma promenade, je suis tombée nez à nez avec une bête énorme qui me regardait de ses gros yeux. Je n’ai pas eu peur, c’était une vache, ma connaissance des occupants des vertes prairies s’agrandit.
Deuxième jour de pluie, heureusement que j’ai emporté des livres sur la campagne. Je compare leur contenu avec la réalité que je vis.
J’ai découvert aussi la vraie nuit noire, sans lampadaire, la lune et les étoiles sont bien visibles. C’est féerique cette boule lumineuse entourée d’une multitude de points scintillants, des bruits insolites entouraient cette vision, les animaux nocturnes rôdaient, ce sera un super souvenir.
Cette nuit, j’ai senti quelque chose sur ma jambe, j’ai hurlé, maman est accourue inspecter le lit et a trouvé une araignée. Je déteste. Depuis, chaque soir je vaporise le tour de mon lit avec la bombe insecticide, tant pis pour l’oxygène, je m’endors avec ce parfum citronné.
Ce matin, le ciel était trop beau. Je suis partie en exploration des vertes prairies alentours, malgré le relent, je m’y habitue un peu. J’ai suivi le chemin qui mène en haut de la colline et c’était superbe, des champs verdoyants à perte de vue ondulaient entre des bosquets d’arbustes de toutes sortes. Je me suis assise pour contempler cette infinie palette de vert parsemée de taches colorées. Mais soudain, j’ai senti des brûlures aux chevilles ! Une colonie de fourmis escaladait mes chaussures et se glissaient sous mon jean, Je l’ai arraché craquant la fermeture au passage, et j’ai envoyé valdinguer au loin baskets et chaussettes. Je suis rentrée en courant, pleurant. Il y a décidément trop de petits monstres cachés dans les vertes prairies.
Je suis allée dans une ferme, toute la basse-cour circule librement dans un grand enclos installé dans un pré. Cette liberté m’étourdit quand je pense à ma vie de banlieusarde confinée.
On arrive à la fin de notre séjour revigorant comme dit maman. Il est encore tôt ce matin, la rosée s’est déposée sur les brins d’herbe, avec le soleil levant, les vertes prairies scintillent de milles feux. Quelques nappes de brume voilent l’horizon, c’est calme, divin, même l’odeur de la porcherie semble atténuée, tout est serein. Alors je choisis d’emporter ma tartine de déjeuner et de la déguster dans la nature, afin de profiter du spectacle de l’éveil de celle-ci. Je suis le sentier qui longe un ruisseau, l’eau clapote doucement, invitant à la détente, alors, je me pose sur un gros caillou. Absorbée par le scintillement de l’eau, je croque avec délice le bon pain campagnard couvert de confiture aux prunes, c’est doucereux, sucrés, je ferme les yeux de plaisir. Le soleil chauffe de plus en plus. J’entends un bruit bizarre, j’ouvre l’œil, une guêpe près de mon nez. Je jette mon restant de déjeuner dans l’eau en criant et faisant des moulins avec mes bras pour chasser l’intruse. Mais elle a dû appeler ses copines, toute une nuée m’encercle, et une piqûre, je hurle et déboule dans la cuisine comme une sauvage. Mon visage enfle, je suis allergique, Mon père me jette dans la voiture et fonce à la ville chez un médecin. J’ai dormi au moins 20H d’affilée avec le traitement qu’on m’a administré. Je ne me souviens que vaguement du départ des vertes prairies.
Je reprends pieds dans ma chambre bétonnée et moquettée. Mon univers finalement. Je pense que les vertes prairies c’est magnifique, vu sur un écran ou encore plus, décris dans un livre. Mais, tout de même, j’ai approché la vraie vie.

le livre, clé de vie (version 2 - 24/11/20)
Le livre, simple assemblage de feuilles de papier, cousues ou collées a une couverture plus ou moins cartonnée. Ses feuillets sont couverts de signes noirs s’étendant sur des kilomètres, d’un bout à l’autre de l’ouvrage. Triste image en noir et blanc, à contempler. Parfois quelques illustrations peuvent agrémenter la morosité d’une page.
Si on connaît la clé qui donne le sens des signes cabalistiques courant dans le livre, alors, s’ouvre un passage vers un autre monde, un univers invisible connecté directement à notre encéphale. Nos circuits neuronaux se développent, nos connaissances et nos capacités intellectuelles augmentent, mais surtout, selon notre lecture, notre imaginaire peut prendre le contrôle et s’emballer. Nous pouvons ainsi vivre des aventures extraordinaires, explorer tant d’espaces que l’on peut se perdre, mais, en ressortir transformé.
Avec certains livres, un décalage peut s’instaurer entre notre attente et son contenu, mais rien ne nous empêche de refermer ce volume et d’en prendre un autre.
Le mot « livre » évoque celui de « lit », « ivre » donnant l’état d’ivresse, et « vie ».
Le lit où le corps se repose pendant la lecture pour libérer toute l’énergie de l’être qui va se concentrer dans son cerveau.
L’ivresse, état dans lequel l’individu peut se trouver après avoir été englouti dans certaines histoires.
La vie qui devient malléable à volonté avec un choix infini de lecture, selon notre humeur et nos besoins du moment.
Enfin, le livre constitué de papier provenant des arbres et autres végétaux, pour de bons lecteurs, quelques mystères sur l’esprit de la nature peuvent se glisser entre les lignes.

Nathalie, le 22/12/20 J'ai lu les 3 dernières de tes productions et j'aime beaucoup ! Il n'y aurait pas grand chose à redire/retoucher ! Ils sont très agréables à la lecture !

Nathalie, le 14/12/20 Michèle, j'ai lu deux des textes et j'apprécie toujours l'originalité des idées exprimées ! Tu as de l'imagination en réserve ! Mais il faut ensuite mettre les textes "en musique", pour que tes idées soient lisibles et appréciées. Je vois deux principaux problèmes à travailler dans l'immédiat : la concordance des temps, et la précision / la justesse /l'adéquation des mots et adjectifs employés. On comprend l'idée que tu veux exprimer car tu utilises un mot ou un adjectif "approchant", mais il faut que tu effectues des recherches pour positionner le mot ou l'adjectif le plus juste, car parfois l'approximation peut provoquer le contresens. Et notre langue française est tellement riche ! Je t'ai souligné quelques exemples ci-après.
* Le podium : "Décoré des trois élites sportives de la compétition, le maillot trempé, le visage inondé de sueur, il émane du podium" : il y a un "truc" à ajouter/changer dans cette phrase pour qu'on sache bien que "chacune des 3 élites" a le maillot trempé, etc.
-> "le droit d’y parader" Le "y" est gênant ici. Le "y" étant utilisé normalement comme complément de lieu, hors le podium est un objet et non un lieu "le droit de parader sur ce promontoire" pourrait régler le problème ;)
-> "leur montée vigoureuse" : "vigoureuse" ne me semble pas le terme le plus juste/approprié/adéquat... "ascension virile" peut-être ? Il ne faut pas hésiter à utiliser les moteurs de recherche sur internet et placer le mot auquel tu penses initialement avec "synonyme" : et instantanément tu vas avoir un choix de mots à ta disposition, dont certains plus appropriés !

Texte "L'Amour ne s'oublie pas" -> Tu ouvres "la porte du réfrigérateur" et non "le réfrigérateur" :))
-> Attention aux concordances de temps... Exemple "Il trouve la brosse "-> "il trouva"
-> Je n'emploierais pas le mot "Stupide" pour désigner cette situation de la brosse dans le réfrigérateur, mais peut-être "Originale ?"
-> Il est "dans l'expectative", mais est-ce bon mot dans ce cas ? Etre dans l'expectative signifie "Attente fondée sur des promesses ou des probabilités"

  • " le couvert mit avec dextérité" : Le mot "dextérité" n'est pas le plus approprié.

Nathalie, le 27/11/20 Bravo Michèle !! Belle description du parapluie, dans les pas de Francis Ponge... Je trouve ton texte assez travaillé ? Je me trompe ?

Nathalie, le 23/11/20 Oui, le livre "ouvre un passage vers un autre monde" ! Bien dit :)
Oui, le livre peut placer en état d'ivresse ! Oui il est une "Clé de vie" Michèle !
Je bute sur le "y" dans cette phrase : "que l’on peut s’y perdre"
Et j'ai eu du mal aussi avec la dernière phrase, que je n'ai pas comprise.

mis à jour le